
Homélie pour le 5ème dimanche du temps ordinaire
Père Paul-Dominique Marcovits, o.p.
Jésus vient de parler aux foules. Il était assis dans une barque appartenant à Pierre, tout près de rivage pour mieux s’adresser à tous ceux qui se pressaient pour l’écouter. Son enseignement terminé, il demande à Pierre d’avancer au large et de jeter ses filets pour la pêche. Or Pierre venait de rentrer d’une nuit sans avoir pris de poissons. On pourrait penser que de retourner à la pêche était inutile. Mais que se passa-t-il dans l’esprit de Pierre ? Il venait d’entendre Jésus prêcher, son cœur a dû être touché ; alors, contre toute évidence, il lui fit confiance et dit au maître cette parole étonnante pour un pécheur expérimenté : « À ta parole, je vais lancer les filets ! » Et nous avons entendu la suite : ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. Il fallut l’aide d’autres pécheurs.
Une lumière nous est donnée : telle la pêche miraculeuse de Pierre, telle est la fécondité extraordinaire de ceux que le Seigneur soutient de sa parole. Nous pourrions regarder l’histoire de l’Église répandue à travers le monde et il y a encore tant d’hommes et de femmes qui ne connaissent pas les trésors de l’Évangile ! L’élan, l’audace, le désir irrépressible d’aller annoncer l’amour de Dieu aux autres, cette ardeur communicative, cet élan missionnaire n’ont pas cessé. Encore aujourd’hui, de bien des manières, discrètement, fortement, des chrétiens ont le souci de communiquer le bonheur de Dieu aux autres.
Pour nous, maintenant, la question est celle-ci : comment pouvons-nous être de ces apôtres-là ? Comment développer en nous cette ardeur pour faire découvrir Dieu aux autres ? Bien des réponses pourraient être données. En voici deux.
D’abord, pour devenir apôtre du Seigneur, réécoutons la première parole de Pierre : « À ta parole, je vais lancer les filets. » En latin, cette parole de Pierre est riche de sens : “In verbo tuo, laxabo rete”. Le “in”, veut certes dire « sur » ou « à » ta parole, je vais t’obéir. Mais le ‘‘In’’ pourrait être traduit, aujourd’hui, pour nous, par ‘‘dans’’… « Dans ta parole, je vais lancer les filets ! Je vais lancer les filets, je vais chercher dans les profondeurs des évangiles tous les trésors que je ne connais pas encore, je vais méditer tes paroles, Seigneur, je vais ouvrir mon cœur pour que tes paroles s’incarnent au plus profond de mon cœur. » Jésus dit bien : « Demeurez en moi comme moi en vous. » (Jean 15, 8).
Commence alors la mission. Avancer au large, avancer dans les profondeurs de Dieu, permets d’entrer en communion avec les autres. Plus nous cherchons Dieu, plus nous découvrons des frères et des sœurs à aimer. Là est la source de notre apostolat. La parabole de bon samaritain nous ouvre le chemin de la charité, celle de l’enfant prodigue, nous apprend à pardonner, le chemin de la croix nous permet d’entrer en compassion avec le Seigneur pour le salut du monde et les explications de Jésus sur lui-même aux disciples d’Emmaüs ne cessent de nous combler d’espérance. Oui, les paroles du Seigneur deviennent de plus en plus la respiration de nos vies et nous donnent la paix, mais aussi les paroles de Dieu nous ouvrent toujours aux autres.
Revenons à notre question. Comment devenir apôtres du Seigneur ? Oui, il faut se laisser habiter par la Parole de Dieu mais Pierre va nous éclairer encore.
Devant la quantité de poissons capturés, il tombe à genoux. Il n’est plus devant un maître, un prédicateur prestigieux, il est devant quelqu’un qui est « de Dieu » ; comme Isaïe, nous l’avons entendu, devant la gloire extraordinaire de Dieu qui confesse l’impureté de ses lèvres, Pierre est saisi de crainte, il dit : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. »
Nous comprenons. Cette crainte, ce sentiment qui monte en nous de n’être pas digne de ‘‘l’Autre’’, de Dieu, la découverte de notre faiblesse sont pourtant fondateurs de toute vie chrétienne, de tout désir d’annoncer le bonheur de Dieu aux autres. Pourquoi ? Parce que, si notre indignité est évidente et si elle nous accable, Dieu ne regarde pas notre faiblesse, il n’écoute que son amour pour nous, un amour qui purifie. Dieu est proche, Dieu nous aime et cela suffit : il a confiance en nous, il nous demande de travailler avec lui pour faire briller sa vie dans le cœur des autres, de communiquer à beaucoup la joie du salut. « Sois sans crainte, dit Jésus à Pierre, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
Oui, qui que nous soyons, le Seigneur nous fait confiance, il attend beaucoup de nous. C’est sa joie.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg
Dimanche 9 février 2025
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