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Vivre comme le Christ

de saint Alberto Hurtado s.j.

Quand on est chrétien, on sait qu’on doit vivre sa vie, les yeux fixés sur le Christ et les oreilles ouvertes à sa Parole. Mais, nous ne comprenons pas toujours bien ce que cela signifie pour nos vies. Saint Alberto Urtado, un jésuite chilien du XXe siècle, nous explique comment imiter le Christ aujourd’hui.

Pour certains, l’imitation du Christ est une étude historique de Jésus. Comme ces archéologues, ils étudient le phénomène Jésus ; ils étudient l’Évangile, s’informent des coutumes du peuple hébreu, apprennent l’araméen, mais leur recherche est plus scientifique que spirituelle. Elle laisse le cœur froid et inerte.

Pour d’autres, l’imitation du Christ, c’est un problème spéculatif et non plus une mystique, c’est-à-dire un mystère. Ils voient Jésus comme un grand législateur, un artiste, un assistant social, un philosophe à contempler ou admirer, mais qui ne change pas leur manière de vivre. Le Christ parle à leur intelligence, à leur sensibilité, mais il n’embrasse pas leur cœur.

Pour d'autres groupes encore, la vie chrétienne, c’est suivre des règlements. Faire ce qu’il faut faire. Ne pas faire ce qui est interdit. Leur attention n’est plus centrée sur le Christ, mais sur le péché. L’unique préoccupation pour eux, c’est de fuir ce qui est mal : les mauvaises pensées, éviter tout danger. Ils en oublient que Dieu a voulu les hommes libres.

Enfin, pour d’autres, la vie chrétienne c’est un grand activisme apostolique, une multiplication d’efforts pour bien orienter la mission de l’église, un mouvement constant pour créer du nouveau. Le triomphe du catholicisme se réduit alors à des attitudes politiques où il faut mettre toute son énergie à bâtir des œuvres charitables, des belles célébrations, des missions d’évangélisation. Paradoxalement, parmi toutes ces bonnes intentions, parfois le Christ se retrouve mis de côté.

Notre imitation du Christ ne consiste pas à faire ce que le Christ a fait. Notre civilisation, nos conditions de vie sont différentes. Imiter le Christ, c’est donc plutôt avoir cette attitude intérieure et extérieure qui est comme celle du Christ. C’est faire ce que le Christ ferait à ma place.

Dans la prière, on peut demander à Jésus de mieux recevoir son cœur offert pour que notre cœur ressemble de plus en plus au sien. C’est aussi ce qu’apportent les sacrements que les premiers chrétiens recevaient comme venant du cœur ouvert de Jésus à la Croix.

Avec le baptême, nous devenons enfants de Dieu, comme Jésus, pour lui ressembler. Et avec chaque Eucharistie, où nous alimentons notre vie en Christ. Ce sont des dons que nous recevons.

On ne peut pas soi-même s’emparer du cœur de Jésus et quand on se détourne de lui on peut retrouver notre proximité à son cœur avec le sacrement de réconciliation.

Le Christ historique, c’est un juif vivant en Palestine à l’époque de l’empire romain. Mais le Christ mystique, c’est le même et c’est aussi … Nous ! Un homme, une femme d’aujourd’hui. Il est infirmier, avocate, ingénieure ou épicier. Il est chaque chrétien qui vit dans la grâce de Dieu et qui aspire à intégrer sa vie à celle du Christ. Il aspire toujours à faire ce qu’il fait, mais comme Jésus l’aurait fait à sa place, à soigner les malades comme le Christ l’aurait fait, à défendre les accusés comme le Christ l’aurait fait, à étudier, réaliser des projets complexes comme le Christ l’aurait fait, à tenir un commerce comme le Christ l’aurait fait, mais cela va aussi au-delà du travail. Comment voyager ? Comme le Christ l’aurait fait ? Comment prier comme le Christ ? Comment se comporter en politique, en économie ou en famille comme l’aurait fait le Christ ?

Recevoir le cœur brûlant du Christ nous amène à poser de nouveaux choix, puisque ce cœur nous tourne toujours plus vers Dieu et vers les autres. Quand on échoue, que le ciel nous tombe sur la tête, que nos grands projets pour Dieu ne fonctionnent pas ou que nous sommes encore retombés dans un péché trop connu. On peut garder confiance : le cœur de Jésus est toujours là et il nous est toujours proposé. La seule défaite, c’est de ne plus être au Christ.

C’est cette manière d’être tout contre le cœur de Jésus et transformé par lui que nous propose la vie chrétienne. C’est la foi de grands saints comme Saint-François-d’Assise ou Ignace de Loyola, mais aussi de temps de jeunes et moins jeunes qui vivent leur vie quotidienne d’époux, de célibataires, d’étudiants, de religieux, qui font du sport, de la politique. Avec ce critère, ce choix, d’être le Christ. Comme dit Saint-Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. »


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