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Discerner le bien caché qui grandit


Portrait de Saint François d'Assise, par le maître Cimabue (1240-1301) dans la basilique basse d'Assise.

L'Évangile que nous venons d'entendre est précédé par le récit d'un moment difficile de la mission de Jésus, que nous pourrions définir comme un moment de "désolation pastorale" : Jean-Baptiste doute qu'il soit vraiment le Messie ; de nombreuses villes qu'il a traversées, malgré les miracles qu'il a accomplis, ne se sont pas converties ; les gens l'accusent d'être un glouton et un ivrogne, alors qu'un peu plus tôt, ils s'étaient plaints du Baptiste parce qu'il était trop austère (cf. Mt 11, 2-24). Cependant, nous voyons que Jésus ne se laisse pas abattre par la tristesse, mais il lève les yeux vers le ciel et bénit le Père parce qu'il a révélé aux simples les mystères du Royaume de Dieu : "Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux savants et que tu les as révélées aux petits" (Mt 11, 25). Au moment de la désolation, Jésus a donc un regard capable de voir au-delà : il loue la sagesse du Père et il est capable de discerner le bien caché qui grandit, la semence de la Parole accueillie par les simples, la lumière du Royaume de Dieu qui se fraie un chemin même dans la nuit.


Chers frères cardinaux, frères évêques, sœurs et frères, nous sommes à l'ouverture de l'Assemblée synodale. Et nous n'avons pas besoin d'un regard immanent, fait de stratégies humaines, de calculs politiques ou de batailles idéologiques - si le Synode donnera telle ou telle permission, ouvrira telle ou telle porte - nous n'avons pas besoin de cela. Nous ne sommes pas ici pour mener une réunion parlementaire ou un plan de réforme. Le Synode, chers frères et sœurs, n'est pas un parlement. Le protagoniste est l'Esprit Saint. Non. Nous ne sommes pas ici pour tenir un parlement, mais pour marcher ensemble avec le regard de Jésus, qui bénit le Père et accueille tous ceux qui sont fatigués et opprimés. Partons donc du regard de Jésus, qui est un regard de bénédiction et d'accueil.


1. Voyons le premier aspect : un regard de bénédiction. Bien qu'il ait fait l'expérience du rejet et qu'il ait vu tant de dureté de cœur autour de lui, le Christ ne se laisse pas emprisonner par la déception, il ne devient pas amer, il n'éteint pas la louange ; son cœur, fondé sur la primauté du Père, reste serein même dans la tempête.


Ce regard bénissant du Seigneur nous invite également à être une Église qui, avec un esprit joyeux, contemple l'action de Dieu et discerne le présent. Et qui, au milieu des vagues parfois agitées de notre temps, ne se décourage pas, ne cherche pas de failles idéologiques, ne se barricade pas derrière des convictions acquises, ne cède pas aux solutions de facilité, ne se laisse pas dicter son agenda par le monde. Telle est la sagesse spirituelle de l'Église, résumée avec sérénité par saint Jean XXIII : "Il faut tout d'abord que l'Église ne détourne jamais son regard de l'héritage sacré de la vérité reçue des anciens ; et en même temps, il faut qu'elle regarde aussi le présent, qui a apporté de nouvelles situations et de nouvelles manières de vivre, et qui a ouvert de nouvelles voies à l'apostolat" (Discours pour l'ouverture solennelle du Concile œcuménique Vatican II, 11 octobre 1962).


Le regard bénissant de Jésus nous invite à être une Église qui n'affronte pas les défis et les problèmes d'aujourd'hui avec un esprit de division et de conflit, mais qui, au contraire, tourne ses yeux vers Dieu qui est communion et qui, avec crainte et humilité, le bénit et l'adore, le reconnaissant comme son unique Seigneur. Nous lui appartenons et - ne l'oublions pas - nous n'existons que pour le porter au monde. Comme nous l'a dit l'apôtre Paul, nous n'avons d'autre "gloire que celle de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ" (Gal 6,14). Cela nous suffit, Il nous suffit. Nous ne voulons pas de gloires terrestres, nous ne voulons pas nous embellir aux yeux du monde, mais le rejoindre avec la consolation de l'Évangile, pour mieux témoigner, et à tous, de l'amour infini de Dieu. En effet, comme le disait précisément Benoît XVI en s'adressant à une assemblée synodale, "la question qui se pose à nous est la suivante : Dieu a parlé, il a vraiment rompu le grand silence, il s'est manifesté, mais comment faire pour que cette réalité parvienne aujourd'hui aux hommes, pour qu'elle devienne salut" (Méditation dans la première Congrégation générale de la XIIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, 8 octobre 2012). Telle est la question fondamentale. Et c'est la tâche première du Synode : recentrer notre regard sur Dieu, être une Église qui regarde l'humanité avec miséricorde. Une Église unie et fraternelle - ou du moins qui cherche à l'être -, qui écoute et dialogue ; une Église qui bénit et encourage, qui aide ceux qui cherchent le Seigneur, qui secoue bénéfiquement les indifférents, qui ouvre des chemins pour initier les personnes à la beauté de la foi. Une Église qui a Dieu au centre et qui, par conséquent, n'est pas divisée à l'intérieur et n'est jamais dure à l'extérieur. Une Église qui prend des risques avec Jésus. C'est ainsi que Jésus veut l'Église, c'est ainsi qu'il veut son Épouse.


2. Après ce regard de bénédiction, nous contemplons le regard d'accueil du Christ. Alors que ceux qui se croient sages ne reconnaissent pas l'œuvre de Dieu, lui se réjouit dans le Père parce qu'il se révèle aux petits, aux simples, aux pauvres en esprit. Une fois, il y avait une difficulté dans une paroisse et les gens parlaient de cette difficulté, me racontaient des choses. Et une vieille femme, une très vieille femme, une dame du peuple, presque analphabète, est intervenue comme un théologien, avec tant de douceur et de sagesse spirituelle qu'elle a apporté sa contribution. Je me souviens de ce moment comme d'une révélation du Seigneur, même avec joie, et il m'est venu à l'esprit de lui demander : "Dites-moi, madame, où avez-vous étudié, avec Royo Marín, cette forte théologie ?" Les sages du peuple ont cette foi. Ainsi, tout au long de sa vie, il porte ce regard hospitalier sur les plus faibles, les souffrants, les laissés-pour-compte. C'est à eux, en particulier, qu'il s'adresse en disant ce que nous avons entendu : "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai le repos" (Mt 11,28).


Ce regard accueillant de Jésus nous invite également à être une Église hospitalière, et non une Église aux portes fermées. Dans une époque complexe comme la nôtre, de nouveaux défis culturels et pastoraux apparaissent, qui exigent une attitude intérieure cordiale et douce, afin que nous puissions nous confronter sans crainte. Dans le dialogue synodal, dans cette belle "marche dans l'Esprit Saint" que nous entreprenons ensemble en tant que Peuple de Dieu, nous pouvons grandir dans l'unité et l'amitié avec le Seigneur pour regarder les défis d'aujourd'hui avec son regard ; pour devenir, selon une belle expression de saint Paul VI, une Église qui "se fait conversation" (Lettre encyclique Ecclesiam suam, n. 67). Une Église "au joug doux" (cf. Mt 11, 30), qui n'impose pas de fardeaux et qui répète à tous : "Venez, vous qui êtes fatigués et opprimés, venez, vous qui vous êtes égarés ou qui vous sentez éloignés, venez, vous qui avez fermé les portes de l'espérance : l'Église est là pour vous". L'Église des portes est ouverte à tous, à tous !


3. Frères et sœurs, peuple saint de Dieu, face aux difficultés et aux défis qui nous attendent, la bénédiction et le regard accueillant de Jésus nous empêchent de tomber dans certaines tentations dangereuses : celle d'être une Église rigide - une douane -, qui s'arme contre le monde et regarde en arrière ; celle d'être une Église tiède, qui se soumet aux modes du monde ; celle d'être une Église fatiguée, repliée sur elle-même. Dans l'Apocalypse, le Seigneur dit : "Je me tiens à la porte et je frappe pour qu'on m'ouvre" ; mais bien souvent, frères et sœurs, il frappe à la porte, mais de l'intérieur de l'Église, afin que nous laissions le Seigneur sortir avec l'Église pour annoncer son Évangile.


Marchons ensemble, humbles, ardents et joyeux. Marchons sur les pas de saint François d'Assise, le saint de la pauvreté et de la paix, le "fou de Dieu" qui a porté dans son corps les stigmates de Jésus et qui, pour se revêtir de Lui, s'est dépouillé de tout. Comme il est difficile ce dépouillement intérieur et aussi extérieur de nous tous et même des institutions ! Saint Bonaventure raconte que, pendant qu'il priait, le Crucifié lui dit : "Va et répare mon église" (Legenda maior, II, 1). Le Synode nous le rappelle : notre Mère l'Église a toujours besoin d'être purifiée, d'être "réparée", parce que nous sommes tous un Peuple de pécheurs pardonnés - tous les deux : pécheurs pardonnés -, qui a toujours besoin de revenir à la source qu'est Jésus et de se remettre sur les chemins de l'Esprit pour atteindre tout le monde avec son Évangile. François d'Assise, à une époque de grandes luttes et de divisions, entre les pouvoirs temporels et religieux, entre l'Église institutionnelle et les courants hérétiques, entre les chrétiens et les autres croyants, n'a critiqué personne et ne s'est attaqué à personne, brandissant uniquement les armes de l'Évangile, à savoir l'humilité et l'unité, la prière et la charité. Faisons de même ! Humilité et unité, prière et charité.


Et si le peuple saint de Dieu, avec ses pasteurs, venus de toutes les parties du monde, nourrit des attentes, des espoirs et même quelques craintes à l'égard du Synode que nous entamons, rappelons-nous tout de même qu'il ne s'agit pas d'un rassemblement politique, mais d'une convocation dans l'Esprit ; pas d'un parlement polarisé, mais d'un lieu de grâce et de communion. L'Esprit Saint brise souvent nos attentes pour créer quelque chose de nouveau qui dépasse nos prédictions et notre négativité. Peut-être puis-je dire que les moments les plus fructueux du Synode sont ceux de la prière, ainsi que l'environnement de prière, par lequel le Seigneur agit en nous. Ouvrons-nous à Lui et invoquons-le : il est le protagoniste, l'Esprit Saint. Laissons-le être le protagoniste du Synode ! Et avec Lui, marchons, dans la confiance et dans la joie.


MESSE AVEC LES NOUVEAUX CARDINAUX ET LE COLLÈGE DES CARDINAUX

OUVERTURE DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE DU SYNODE DES ÉVÊQUES


HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE FRANCIS


Place Saint-Pierre

Saint François d'Assise - Mercredi 4 octobre 2023


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